SAINT-MAGLOIRE. Écrire un livre est un exploit qui n’est pas à la portée de tous, qui demande temps, patience et persévérance. Imaginez quand vous avez 86 ans et que vous n’avez qu’une 6e année de scolarité.
C’est pourtant l’exploit que s’apprête à réaliser Mme Yvette Boutin-Caron. La résidente de Laval, qui est originaire de Saint-Magloire, publiera au cours des prochaines semaines l’histoire de sa famille et, surtout, celle de ses parents, Elzire Brochu et Cyrille Boutin, qui ont élevé une famille nombreuse au tournant du 20e siècle.
« Quand j’ai accouché de mon premier enfant, j’ai vraiment pris conscience de ce qu’avait vécu ma mère qui a eu 20 enfants, qui a toujours accouché à la maison sans docteur, avec l’aide d’une sage-femme. Ça m’a touchée et je me suis dit, dès ce moment, que je devrais écrire son histoire, parler de la vie de mes parents qui ont vécu dans la misère, qui n’avaient pas beaucoup d’argent et qui ont défriché la terre familiale du rang St-Charles en ramassant des roches et en enlevant des souches », indique-t-elle en mentionnant que dès la première année de leur mariage en 1912, le couple travaillait dans les chantiers : sa mère comme cuisinière et son père comme bûcheron pour 25 cents par jour.
Mme Boutin-Caron souligne qu’au cours des dernières années, sa petite-fille l’encourageait à écrire cette histoire familiale. « Elle me disait qu’elle aimait entendre parler de ma vie, de celle de mes parents et qu’elle trouvait cela fascinant, mais effrayant, à la fois, ce qu’ils avaient vécu. »
L’auteure précise que c’est au début de la pandémie, en 2020, que le déclic s’est fait et qu’elle a décidé d’écrire ce livre qui rend hommage à ses parents et sa famille.
« Jeannette Bertrand avait invité les personnes à écrire sur eux et leur vie, en offrant des capsules hebdomadaires sur l’art d’écrire un livre. Cela m’a motivée et après, ma petite-fille a envoyé mon manuscrit à Jeannette Bertrand qui a lu des passages de celui-ci sur les ondes de MaTV avec France Castel », mentionne-t-elle fièrement.
Johanne Caron, qui a secondé sa mère dans la rédaction de ce livre, précise que Mme Bertrand avait invité les auteurs intéressés à lui acheminer leurs textes, qu’elle ferait la lecture de certains des textes reçus. « Ma fille a arrangé une cinquantaine de pages et elle a envoyé cela à Mme Bertrand. Sur les 500 textes reçus, elle en a choisi deux, dont celui de ma mère », ajoute la résidente de Saint-Magloire.
Mme Boutin-Caron précise qu’elle avait commencé en 2019 à rédiger son récit familial. « Je n’étais pas habile à l’ordinateur. Je tapais un doigt à la fois, ce qui m’a pris un certain temps », admet-elle en ajoutant qu’il lui arrivait parfois de perdre son texte, ce qui l’obligeait alors à recommencer.
« Ma fille a arrangé cela en transférant mon manuscrit sur Google Doc. Chaque fois que ma mère ajoutait des éléments, les changements s’enregistraient automatiquement. Elle a installé Antidote pour corriger ses fautes », mentionne Johanne Caron. « C’est effrayant les fautes que je faisais, surtout au niveau de l’orthographe », ajoute l’auteure en riant.
500 pages d’histoire familiale et locale
Le livre d’Yvette Boutin-Caron, qui devrait être publié lors des fêtes du 150e de Saint-Magloire, a pour titre provisoire « Ça s’passait d’même ». Celui-ci sera de format « roman » et aura près de 500 pages. 134 photos anciennes et actuelles agrémenteront celui-ci.
« C’est axé sur la famille, surtout, mais on va aussi parler de ce qui se passait à Saint-Magloire à l’époque, pour mettre les gens en contexte », précise l’auteure qui avoue n’avoir jamais pensé produire un ouvrage aussi volumineux.
« Je parle notamment d’un voisin qui a passé au feu au moment de faire son battage du grain, de l’ouverture de la beurrerie, de l’histoire de la petite Gisèle Baillargeon qui s’était perdue en 1933, ou encore de l’entretien des chemins qui, à cette époque, était souvent sous la responsabilité des cultivateurs qui devaient s’occuper eux-mêmes de leur bout de chemin et s’entraidaient pour le faire chacun leur tour », mentionne-t-elle.
« Mes parents ont vécu la misère, ils avaient beaucoup de courage. On était tellement pauvres qu’on n’avait pas de souliers et qu’on allait à l’école pieds nus dès que c’était possible. C’était le cas pour tout le monde », ajoute l’auteure.
Soulignons qu’Yvette Boutin-Caron était la 19e de 20 enfants. Deux sont décédés en bas âge ou à la naissance. Elle et sa sœur Jeanne, 94 ans et qui demeure toujours à Saint-Magloire, sont les deux seules toujours en vie parmi une descendance qui comprend 75 petits-enfants, sans oublier les arrière-petits-enfants.
« On a toujours eu une bonne génétique dans la famille. Ma grand-mère a vécu jusqu’à 96 ans et mon frère Raymond est décédé le 28 janvier, à 99 ans et 5 mois. Mon père est décédé à l’âge de 94 ans et 11 mois et ma mère à 78 ans », précise-t-elle en soulignant la contribution de sa fille Johanne ainsi que celle des enfants de cette dernière, Audrey et Mathieu Caron-Diotte.
Ce livre sera, pour le moment, une autoédition de la part de l’auteure qui ajoute que si elle avait prévu écrire celui-ci uniquement pour la famille au départ, un message sur les réseaux sociaux avait rapidement permis de constater que celui-ci suscitait beaucoup d’intérêt auprès des citoyens de -Saint-Magloire, surtout en cette année de 150e anniversaire.
« -Les gens l’attendent avec impatience. Il y a près d’une centaine de personnes qui veulent l’acheter, cela sans oublier la famille qui comporte 75 petits-enfants et de nombreux -arrière-petits-enfants », indique Johanne Caron qui ajoute que la rédaction du livre est presque terminée. « On est à fignoler les derniers détails, à choisir la page couverture et autres. C’est un long processus », précisent l’auteure et sa fille qui ajoutent que le prix de vente n’était pas encore établi.
Source: Serge Lamontagne, La Voix du Sud, le 8 juin 2022