MUSIQUE. Pendant 30 ans, Brigitte Larochelle a vécu ce que peu de musiciens ont eu la chance de réaliser : vivre pleinement de son art et pratiquer celui-ci aux quatre coins de la planète.
La native de Saint-Prosper a consacré plus de 20 ans de sa vie au Cirque du Soleil, organisation mondialement connue qui lui a permis de jouer, en tant que claviériste et chef d’orchestre par la suite, dans 32 pays et pas moins de 250 villes.
La carrière musicale de Brigitte Larochelle a débuté au début de la vingtaine. Après trois années au Cégep de Drummondville, où elle a complété un DEC en musique populaire et jazz, elle s’établit à Montréal où elle évoluera dans différents bands avant de se lancer dans la direction musicale, les arrangements, la programmation et l’enseignement.
C’est en 1990, alors qu’elle venait de se séparer de son conjoint, lui aussi musicien, que la vie de Brigitte Larochelle allait changer du tout au tout. Le compositeur du Cirque du Soleil, qui cherchait son ex-mari afin de lui offrir un poste, entre en contact avec elle et lui fait part de sa demande. «Je lui ai dit que je lui ferais le message, mais en même temps je lui ai fait savoir que le poste m’intéressait. C’est comme cela que ça a commencé. Au début du mois décembre, je rencontrais le compositeur du Cirque, René Dupéré. J’ai passé une soirée avec lui, il m’a fait écouter la musique du show. Ça a cliqué tout de suite entre nous deux et il m’a engagé», mentionne-t-elle.
Après sept années à accumuler les emplois et les contrats, elle quittait Montréal pour la Côte ouest américaine où le Cirque du Soleil, qui était encore peu connu à l’époque, allait faire une percée majeure dans le monde du spectacle. «J’avais signé pour deux ans, mais dans ma tête, je me suis dit j’allais essayer cela pendant un an afin de voir si j’allais aimer cela. Ce premier séjour avec le Cirque a duré cinq ans et demi.»
Pour les deux premières années de sa nouvelle vie, Mme Larochelle était deuxième claviériste au sein du spectacle «Nouvelle Expérience». Après des succès fracassants à San Francisco et Los Angeles, on lui offre, en 1992, d’aller à Las Vegas comme chef d’orchestre avec cette même production ou de se lancer dans une nouvelle création, ce qu’elle décide de faire. «Je trouvais que j’étais trop jeune pour m’établir à Vegas en permanence et je voulais continuer à faire de la route», souligne Mme Larochelle qui est devenue chef d’orchestre et claviériste principale pour Saltimbanco.
Après deux années aux États-Unis, le spectacle fait son entrée au Japon en 1994. Après huit mois à Tokyo, la troupe a ouvert le marché européen, toujours avec Saltimbanco. Ces nombreux changements obligeaient toute l’équipe à s’adapter aux réalités du marché. «Il faut savoir s’adapter. Chaque fois qu’on ouvrait un marché, on revampait le spectacle et on l’adaptait au public du pays où on s’installait, avec des nouveaux numéros et de nouvelles musiques», précise-t-elle.
Une première pause
Après cinq ans et demi dans ses valises, Brigitte Larochelle prend une pause du Cirque du Soleil. Elle revient à Montréal en août 1995 et se lance dans l’écriture musicale. Elle fondra une compagnie de production qui a été en opération pendant sept ans, en plus d’ouvrir un studio d’enregistrement.
Puis à la demande du Big Apple Circus de New York, elle écrira la musique de cinq productions en autant d’années. «C’était exigeant, mais ça a été une super expérience. Je sortais du Cirque du Soleil qui était plus moderne pour m’associer avec un cirque plus traditionnel avec des acrobates, des animaux ou autres. Ils voulaient une touche de modernité dans leur musique et c’était une approche complètement différente.»
Retour au Cirque
Pendant ses années de pause du Cirque du Soleil, Brigitte Larochelle a conservé un lien avec ses anciens employeurs, participant au repérage et à l’évaluation des musiciens qui souhaitaient y travailler. En 2004, elle accepte d’aller à Phoenix, en Arizona, afin d’effectuer un remplacement de dernière minute. Pendant trois ans, elle jouera un rôle de fly-in musician, comme on dit dans le jargon du métier.
«On me parachutait sur des spectacles pour remplacer quelqu’un qui était blessé, malade ou avait besoin d’une pause», précise Mme Larochelle qui, pendant cette période, allait travailler sur des productions telles que Varekaï, Zumanity et Cortéo avant d’ouvrir le marché sud-américain avec Saltimbanco, pendant six mois.
En 2007, on lui demande d’aller faire un remplacement de six mois en Australie pour la tournée Varekaï. C’est avec enthousiasme qu’elle et son mari Michel, qui avait décidé de prendre une année sabbatique, partent s’y établir. «Cela a été l’une des plus belles tournées à laquelle j’ai pris part», dira-t-elle sans hésitation.
Rapidement, le chef d’orchestre qu’elle a remplacé au pied levé a décidé de démissionner et le Cirque lui a offert le poste à temps plein. Pendant dix ans, elle a été à la tête de Varekaï. Après l’Australie, la tournée s’est déplacée en Europe, en Amérique du Sud et en Amérique Centrale, puis en Asie.
Vers un retour à Saint-Prosper
Après 27 années consacrées aux arts du cirque, dont plus de 20 ans au Cirque du Soleil, Brigitte Larochelle a quitté ses fonctions l’an dernier. Les trois dernières années de son séjour au Cirque ont été consacrés à la tournée des arénas qui, avoue-t-elle, a été assez éreintante du fait que l’équipe pouvait changer de ville ou même de pays toutes les semaines, surtout en Europe et au Moyen-Orient. Elle ne ferme toutefois pas la porte complètement au Cirque, précisant qu’elle serait prête à y retourner pour des contrats spécifiques qui lui permettraient de demeurer au même endroit pendant un certain temps.
«J’ai décidé que j’en avais assez de vivre dans mes valises, précise-t-elle. Je possède encore une maison à Montréal, que je souhaite vendre afin de m’établir pour de bon à Saint-Prosper, en 2019, avec mon conjoint qui a été en tournée avec moi pendant huit ans. On veut commencer à voyager, mais autrement, et à notre rythme. J’ai le goût de vivre des expériences différentes. Il y a des pays où nous sommes allés, mais où on veut retourner, car on n’a pas eu le temps de visiter à notre goût. J’aimerais aussi aller en Nouvelle-Zélande, en Afrique, au Moyen-Orient, ainsi qu’en Asie.»
Source : La Voix du Sud, par Serge Lamontagne, publié le 13 mars 2018