SAINT-MAGLOIRE. Immigrante ukrainienne arrivée au Québec avec sa famille le 26 août 2022 et installée à Saint-Magloire depuis mars 2023, Liudmyla Mevsha n’a cessé de repousser les limites et les obstacles afin de se bâtir une nouvelle vie et oublier, un tant soit peu, l’invasion de son pays d’origine par la Russie.
Recommencer à zéro, se construire une nouvelle vie tout en apprenant le français en ligne puis créer son entreprise, le café-boulangerie Les Délices du Sommet, voilà autant d’éléments qui ont marqué la vie de Liudmyla Mevsha et de sa famille depuis un an et demi. (Photo La Voix du Sud – Serge Lamontagne)
Celle que tous les résidents de Saint-Magloire connaissent sous le nom de Louda ouvrait officiellement, au cours du dernier week-end, un nouveau café-boulangerie, Les Délices du Sommet, à même la Maison du Patrimoine sur la rue Principale.
L’édifice, propriété de la Société du Patrimoine de Saint-Magloire, a longtemps présenté l’exposition thématique sur les populaires frères Baillargeon. Fermée au public depuis un peu plus de trois ans, celle-ci revit donc avec deux nouvelles vocations, réunissant sous le même toit une entreprise privée et un service public, le comptoir postal, qui a été déménagé à cet endroit avant la période des Fêtes, qui sera également opéré par Mme Mevsha.
Après une cérémonie d’inauguration réunissant différents partenaires, le mercredi 19 février, le café-boulangerie ouvrait officiellement ses portes au public samedi et dimanche dernier.
« Louda, c’est une femme courageuse, résiliente et positive malgré les embûches qui ont marqué sa vie », indique son amie et directrice générale de la municipalité de Saint-Magloire, Stéphanie Lamontagne, qui est en grande partie responsable de la venue de plusieurs familles ukrainiennes dans Les Etchemins, trois d’entre elles étant établies en permanence à Saint-Magloire.
Pour en venir à ouvrir son commerce, Louda a parcouru un long chemin qui s’est amorcé lors du déclenchement de la guerre en Ukraine.
« Nous n’étions pas en Ukraine à ce moment. Nous avons transité par la Pologne et grâce à cela, mon mari a pu nous accompagner ici, car s’il était demeuré en Ukraine, il aurait dû aller au front », rappelle-t-elle en soulignant qu’après avoir étudié la possibilité d’aller en Angleterre, c’est au Canada qu’elle et sa petite famille avaient décidé de s’établir.
« Une fois que j’ai pris la décision de venir ici, il fallait savoir dans quelle province venir et Zhenia (son ex-mari) m’a suggéré de trouver un endroit où il pourrait commencer à travailler dès notre arrivée. Un emploi pour lui et un endroit où nous loger, c’était la priorité. Je ne voulais pas travailler tout de suite, sauf si j’étais obligée, car je voulais étudier et apprendre la langue », indique celle qui était avocate dans son pays d’origine.
Par le biais d’un groupe de Canadiens-Ukrainiens sur Facebook, la famille a été mise en lien avec Stéphanie Lamontagne. « J’ai aimé son approche et je me suis sentie en confiance avec elle dès le départ. C’est grâce à elle que nous sommes venus ici », souligne-t-elle en reconnaissant qu’à son arrivée à Saint-Magloire, elle a vécu un certain « choc », elle qui était originaire de la ville de Jitomir, à une heure de Kiyv (Kiev), qui compte plus de 430 000 habitants.
Relever les défis
Au cours des deux dernières années, Louda n’a cessé de relever les défis. Après avoir commencé des cours de francisation à Saint-Georges en octobre 2023, elle s’est tournée vers des cours privés en ligne en raison des distances parcourir, elle qui n’avait pas d’auto et n’en a toujours pas pour le moment. « Ça ne saurait tarder », mentionne-t-elle en précisant qu’elle a depuis obtenu son permis de conduire du Québec, en français bien sûr ! Quant à ses cours en français, ils se déroulaient 5 jours par semaine de 9 h à 16 h 30, et elle continuait à étudier de soir, en parallèle.
Quant au projet de café-boulangerie, c’est venu un peu par hasard, sous l’inspiration de son amie Stéphanie Lamontagne.
« Elle cuisinait beaucoup et chaque fois que j’allais chez elle, elle me faisait découvrir ses talents culinaires. Je lui disais qu’elle pourrait en vendre et en tirer un revenu », indique cette dernière en ajoutant qu’elle voyait la Maison du patrimoine comme un bel endroit pour y démarrer un tel projet.
« Je trouvais cela triste, mais en même temps, je voyais le potentiel pour y mener un tel projet. Je lui disais souvent qu’elle pourrait vendre ses pâtisseries et elle a relevé le défi », poursuit-elle
Petit à petit, Louda a commencé à présenter sa cuisine et s’afficher lors d’événements à Lac-Etchemin, en collaboration avec Ghislain Charest de la MRC des Etchemins, ou encore lors du marché de Noël et au St-Mag Fest où elle avait un kiosque offrant différentes variétés de brioches et de gâteaux qui se sont rapidement avérés très populaires. On l’approchait pour de petites commandes.
Des étapes à suivre
Avant d’ouvrir son café boulangerie, Louda a notamment dû suivre, en français et avec succès même si ce n’était pas toujours facile, des formations obligatoires au MAPAQ. Elle a beaucoup étudié et peu dormi, avoue-t-elle, réussi ses examens du premier coup.
Au cours des dernières semaines et des derniers mois, elle a également investi dans l’amélioration des lieux, passant jusqu’à 50 heures par semaine à cet endroit. En collaboration avec la Société du patrimoine, de la municipalité et de la MRC des Etchemins, elle a pu obtenir certaines contributions financières pour l’achat d’équipements, pour une valeur de 35 000 $. Une campagne maison de financement participatif a aussi permis de récolter un peu plus de 2 000 $ pour l’achat d’ingrédients nécessaires à la confection des aliments qu’elle servira sur place.
« C’est une expérience que je n’oublierai jamais. Ce fut un accouchement difficile, mais le résultat en valait la chandelle », soutient celle qui est locataire des lieux.
Un retour en Ukraine un jour ?
Si Louda continue de se bâtir une vie ici, d’améliorer son français et d’obtenir sa résidence permanente éventuellement, un retour en Ukraine est-il possible dans son cas ?
« Quand la guerre sera terminée, j’espère y retourner, mais c’est trop dangereux pour le moment. Je veux retourner en Ukraine pour revoir ma mère qui n’a pu quitter afin de s’occuper de son frère qui est malade. C’est très difficile », dit-elle remplie d’émotions, ajoutant qu’elle a fait ce sacrifice pour son fils Timofeii, afin qu’il ait une meilleure vie.
« Il va apprendre deux nouvelles langues, aura accès aux études universitaires et de là, il pourra choisir où il va vouloir vivre », mentionne-t-elle en terminant.