LAC-ETCHEMIN – « Le développement d’une entreprise, c’est souvent de savoir saisir les occasions qui passent », soutient Sébastien Descôteaux, copropriétaire, avec sa conjointe Natacha Lagarde, des Sucreries DL, de Lac-Etchemin, dans Chaudière-Appalaches. Saisir l’instant, carpe diem, c’est justement ce que les deux entrepreneurs ont fait, en pleine pandémie de COVID-19, en ajoutant les petits fruits à la production et la transformation des produits de l’érable amorcée en 2010.
Sébastien Descôteaux et Natacha Lagarde favorisent une approche durable dans l’exploitation de leur érablière. Photo : Gracieuseté de Natacha Lagarde
« Ce sont de grosses décisions, mais à un moment donné on se dit, on y va, ou on n’y va pas », lance Sébastien Descôteaux, dont la décision d’ajouter les bleuets et les framboises à la production des produits de l’érable représentait un investissement significatif. « On a investi autant pour faire ça que pour l’achat initial de la ferme », soutient l’entrepreneur originaire de l’Abitibi, qui partage son temps avec la direction de chantiers dans le secteur minier.
« On est partis avec notre 53 pieds de naïveté et on s’est lancés dans l’aventure », raconte Natacha Lagarde, le sourire dans la voix. L’idée des petits fruits trottait tout de même dans la tête du couple depuis quelque temps. Six cents plants de camerises avaient déjà été plantés en 2018. « Je cherchais un petit fruit émergent, quelque chose de différent. Comme l’argousier, ça pique, les enfants n’en voulaient pas. On a donc opté pour la camerise », explique Natacha Lagarde, avant d’éclater de son rire généreux.
Quant à la plantation de bleuets et de framboises, en 2021, c’est une histoire qui fait plutôt partie de ces événements improbables que nous réserve la vie.
« Un voisin producteur nous appelle, un soir, pour demander si nous voulons des bleuets et des framboises. Je pensais qu’il voulait nous vendre des fruits. Une fois sur place, on se rend compte qu’il nous propose ses plants. On les a achetés », résume la productrice, qui précise que c’est à ce moment que l’idée d’ouvrir une boutique à la ferme s’est invitée. « Mais on est au printemps 2021, souligne-t-elle. On est encore en pleine pandémie. Y a plus de béton et les matériaux manquent. Et comme il a beaucoup plu, on a dû retarder le déménagement des plants. On s’est donc retrouvés à transplanter les plants et à construire la boutique en même temps », se souvient Natacha Lagarde, dont les petits fruits occupent près de quatre acres (1,6 hectare) de superficie. « Ça a été une année assez particulière, admet Sébastien Descôteaux, plutôt fier de leur exploit. On a tout de même réussi à faire de l’autocueillette dans un champ où, quatre mois avant, c’était une plantation. »
L’aventure
C’est avec ce même enthousiasme mesuré que le couple s’est lancé dans la production et la transformation de produits de l’érable, en 2010. Natacha Lagarde vient de la Côte-Nord. Elle ne connaissait à peu près rien à l’acériculture avant d’y plonger jusqu’au cou. « On a beaucoup de fruits de mer à Sept-Îles, mais disons que l’acériculture, ce n’est pas l’activité économique principale », signale la productrice de 44 ans.
Son conjoint possède cependant une longueur d’avance. « Je suis du milieu agricole », précise l’ingénieur rural, qui installait déjà des équipements d’automatisation de cabanes à sucre à l’époque. « Comme Sébastien pouvait difficilement m’amener chez des clients pour m’apprendre comment ça fonctionne, raconte Natasha Lagarde, je lui ai dit : je vais trouver une érablière à vendre, on va la visiter et on va s’installer. »
C’est là que l’aventure a commencé. « Notre financement a été accepté le 14 février 2010. Là j’ai dit : bon, quand est-ce que ça commence le temps des sucres? On m’a répondu, bien, c’est pas mal maintenant, là. Disons que j’ai appris à la dure la première année », se souvient la diplômée en administration des affaires de l’Université Laval, dont l’érablière froide de 4 500 entailles donne entre 3,3 et 3,5 livres d’eau à l’entaille.
De la relève en vue?
À la mi-quarantaine, la retraite reste une idée encore floue pour le couple Lagarde-Descôteaux. Les enfants de 14 et 17 ans participent aux travaux de la ferme, mais la possibilité qu’ils en prennent la relève demeure incertaine. « Si, plus tard, ils veulent prendre la relève, ils la prendront. S’ils ne la prennent pas, bien, ce sera quelqu’un d’autre qui la prendra. Ce qui est certain, c’est que je ne leur mettrai pas de pression », soutient la mère de famille, qui semble, comme son conjoint, profiter de chaque moment de la vie. « C’est vraiment le fun le fait qu’on transforme et qu’on ne vend pas juste en barils. Moi, l’odeur du sirop d’érable, je l’ai à l’année », dit le producteur.
Bien faire les choses
Le couple d’entrepreneurs partage visiblement le souci de bien faire les choses. L’utilisation, depuis 2014, de chalumeaux jetables un quart pour réduire les blessures infligées aux arbres en est une première illustration. Le soin apporté à la présentation des produits en est une autre. « On mange avec nos yeux en premier », rappelle Natacha Lagarde, qui a grandi dans un restaurant et dont l’inventivité du conjoint se retrouverait même dans ses produits. « On est reconnus pour faire un beurre particulièrement onctueux », avance Sébastien Descôteaux. « Ça, c’est dû au système que j’ai fabriqué pour mesurer de manière extrêmement précise la température de l’eau d’érable, lorsqu’on boue, pour atteindre la température optimale. On parle d’une précision d’environ 0,2 degré Celsius », explique-t-il.
Le bon coup de l’entreprise
La décision de vendre leurs produits en ligne, dès 2012, représente certainement l’un des bons coups des Sucreries DL. Ce modèle d’affaires en était encore à ses balbutiements à l’époque et l’entreprise a pu s’y imposer.
À la réflexion, toutefois, l’encadrement des quatre étudiants de 13 à 17 ans, lors de la première saison d’opération de la boutique l’été dernier, apporte aussi une belle satisfaction à Natacha Lagarde. « La seule affaire que tout le monde doit faire, c’est de passer la moppe, mais à part ça, je dis, allez-y avec vos forces », explique la productrice. « Je m’assure tout de même que ce ne soit pas toujours le même qui fait les tâches plates », insiste la productrice, dont un des secrets se trouverait bien au froid. « J’avais rempli le congélateur de popsicles », dit-elle avant d’éclater de rire.
Source : Page Facebook de la MRC des Etchemins et Claude Fortin, La Terre de chez-nous, 15 mai 2022