LAC-ETCHEMIN. Depuis la fin des cours de francisation aux adultes décrétée par les centres de services scolaires de la province, incluant ceux de la région, le personnel en immigration au CJE des Etchemins a dit noter beaucoup d’inquiétude, de stress et d’incompréhension parmi la clientèle qui suivait ces cours, sans oublier les nouvelles normes fédérales pour les travailleurs étrangers temporaires.
Sonia Boutin, directrice générale du CJE des Etchemins, en compagnie d’Irene Valenzuela, Jacquelin Ortiz Bautista et Wendy Fallas, agentes d’accueil et d’intégration au sein de l’organisme. (Photo La Voix du Sud – Serge Lamontagne)
« Nous avons eu, depuis la fin des cours le 12 novembre, entre six et huit clients qui sont venus nous voir pour savoir ce qui va se passer pour eux, car ils sont vraiment inquiets. Ce sont des travailleurs, mais surtout les conjointes qui doivent atteindre un certain niveau de français pour accompagner leurs conjoints dans leur démarche d’immigration, puis se trouver un emploi », indique Wendy Fallas, agente d’accueil en immigration au sein de l’organisme.
Cette dernière ajoute que le fait de devoir cesser ainsi ces cours de francisation devient un enjeu pour elles, car il leur sera plus difficile de s’adapter. Cela sans oublier les problématiques de transport pour se trouver un travail qui ne requiert pas un niveau de français trop élevé, ceux-ci se trouvant en ville principalement.
Selon la directrice générale Sonia Boutin, il y a aussi beaucoup d’inquiétude du fait qu’il y a peu ou pas d’information émanant du ministère de l’Immigration et de l’Intégration (MIFI) ainsi que de Francisation Québec, vers qui les étudiants en francisation sont redirigés depuis le 12 novembre.
« Les personnes sont inquiètes, car elles ne reçoivent pas d’information et sont un peu laissées à elles-mêmes. Est-ce qu’il y a d’autres programmes vers lesquels ils peuvent se tourner, ils ne savent rien du tout », indique-t-elle en convenant aussi qu’au MIFI, il se peut que les gens n’aient pas beaucoup de réponses à donner, la décision s’étant prise rapidement et sans véritable préavis.
« Les gens viennent pour qu’on les accompagne dans leur inscription à Francisation Québec, mais encore là il n’y a pas d’information et on ne sait pas quand les cours vont débuter. Plusieurs étaient sur le point de terminer leur niveau de francisation et tout d’un coup, il n’y a plus rien. Comme organisme, on ne sait rien et on ne reçoit aucune information non plus. Ce faisant, on peut encore moins informer et accompagner notre monde », poursuit-elle en ajoutant qu’au MIFI, on leur dit d’inscrire les gens en ligne, mais qu’il n’y aurait pas encore de date prévue pour amorcer un groupe, car ils manquent d’enseignants.
« C’est un enjeu, car on ne sait plus quoi répondre à nos clients. Ils viennent ici pour avoir des réponses, mais ils repartent bien souvent les mains vides, car on n’en a pas à leur donner. C’est aussi un enjeu pour ces familles qui ont une maison, des enfants qui commencent à faire des études professionnelles et qui ne peuvent pas poursuivre leurs démarches visant à obtenir leur certificat de sélection du Québec, car tout est arrêté. Ces personnes doivent avoir un niveau de français B2, mais comment peuvent-ils l’obtenir s’il n’y a plus de francisation ? », exprime pour sa part Irene Valenzuela, elle aussi agente d’accueil et d’intégration au CJE.
Effets collatéraux
Mme Boutin et ses collègues mentionnent que le fait de ne plus être inscrits en francisation peut amener plusieurs problématiques, en parallèle, pour les personnes concernées, que ce soit l’impossibilité de déposer une demande de renouvellement à la RAMQ, ce qui entraînera d’importants coûts en matière de soins de santé pour eux.
« Ces femmes recevaient bien souvent une allocation mensuelle pour étudier à temps plein et elles la perdent, ce qui aura un impact sur le revenu familial. On a des femmes qui souhaitent intégrer le marcher du travail, car elles n’ont plus accès aux cours de francisation, mais qui ne peuvent pas le faire, car elles ne parlent pas français ou pas assez. C’est une roue qui tourne », de dire également Mme Boutin.
Jacqelin Ortiz Bautista, qui est aussi agente d’accueil et d’intégration auprès de la clientèle immigrante, dit également trouver dommage la fin de ces cours de francisation, ce qui selon elle vient à l’encontre de la volonté du gouvernement de faire la promotion de la langue française, en empêchant les immigrants d’apprendre la langue.
« Cela brime les droits des personnes de s’exprimer. Comment voulez-vous que je m’exprime et me fasse comprendre si je ne peux pas assez bien parler français ? C’est vraiment dommage que le gouvernement coupe ce droit aux gens de s’exprimer en mettant ainsi terme aux cours de francisation », de renchérir sa collègue Wendy Fallas.
Mme Boutin ajoute que si les budgets actuels en francisation ne sont pas haussés en vue de l’an prochain, le même problème reviendra pour les cours de francisation qui ne pourront pas être rendus à terme.
« On perd l’expertise des gens qui offraient les cours de francisation et ont perdu leur poste, car ceux-ci ont été ou seront affectés à d’autres tâches, alors que d’autres se trouveront un emploi ailleurs », précise-t-elle en mentionnant que récemment, le CJE a reçu des demandes pour des cours de francisation en provenance de deux femmes anglophones de l’Ouest canadien qui pourront ne pas y avoir accès non plus, dans ces circonstances.
« Tout va être à recommencer et ce n’est pas tout le monde qui a accès aux cours en ligne, car ils n’ont pas Internet à la maison ou encore accès à un ordinateur portable. Cela ne convient pas à tout le monde et c’est d’autant plus vrai en région. C’est tout un défi d’apprendre en ligne… encore plus qu’en présentiel. »
Jacquelin Bautista souligne que certaines personnes regarderaient pour des cours de francisation privés, mais se demandent si leurs résultats seront reconnus pour la suite de leurs démarches d’immigration et comment elles pourront se les offrir si n’ont pas accès à un emploi.
Source : Serge Lamontagne, La Voix du Sud, 26novembre 2024