SAINT-CYPRIEN. Neuf travailleurs immigrants d’origine colombienne, tous finissants du cours de francisation dispensé à l’école Petite-Abeille de Saint-Cyprien, ont vécu une expérience intergénérationnelle et humaine unique avec huit aînés membres du Club de l’âge d’or de cette même localité.
Ce groupe formé d’aînés de Saint-Cyprien et de travailleurs immigrants ont pris part au projet des trésors cachés. (Photo gracieuseté)
À l’initiative de Rhania Lacorre, enseignante au programme de francisation, ces travailleurs immigrants et huit aînés se sont rencontrés sur une base régulière (deux fois par semaine) de mars à juin afin de faire connaissance et partager leurs expériences de vie. De belles amitiés sont également nées de tous ces contacts.
« Ce projet a vu le jour grâce à Rhania qui m’a contacté en mars. Quelques rencontres ont été nécessaires pour établir les objectifs de celui-ci et la démarche à suivre dans les semaines suivantes. J’ai trouvé huit personnes intéressées qui m’ont toutes dit oui. Ce fut très agréable », indique Richard Fortier, président du Club FADOQ de Saint-Cyprien.
« Au début, on ne savait pas si ça allait fonctionner, car nous sommes des étrangers. On se demandait s’ils allaient aimer partager avec nous, mais dès le premier jour, ils étaient très ouverts et nous ont accueillis à bras ouverts », précise Adriana, l’une des participantes au projet.
C’est dans le cadre d’une activité de cabane à sucre, organisée directement à l’école Petite-Abeille, qu’a eu lieu la première rencontre. Selon Rhania Lacorre, le déroulement de l’activité de cabane à sucre allait décider du reste du projet.
« Ça s’est bien passé et à raison de deux heures par semaine par la suite, tous les lundis et vendredis pendant plusieurs semaines, ils se rencontraient pour échanger et discuter. Toutes les conversations ont été enregistrées par les participants qui les ont ensuite retranscrites. C’étaient des heures d’enregistrement et ils devaient aller à l’essentiel. Ils ont travaillé les soirs et les fins de semaine. Je recevais leurs textes et je les corrigeais. Cela leur a permis d’aller chercher plein de savoirs », préciser l’enseignante en ajoutant que chaque élève a préparé un cahier-souvenir qu’il a remis à son jumeau lors de la soirée de clôture tenue le 16 juin dernier.
« Comme on avait un élève qui n’était pas là le vendredi, un autre prenait la relève et était chargé de la photo-vidéo le reste du temps. C’était un groupe extrêmement présent et je leur disais que si on se lançait là-dedans, ils devaient s’engager auprès d’un aîné. Cela a été d’une facilité extrême, car ce sont des gens engagés, responsables et respectueux », affirme Rhania en ajoutant que des amitiés et des liens ont ainsi été créés.
Briser l’isolement
Mme Lacorre ajoute que ce projet avait aussi pour but de permettre de briser l’isolement dont les aînés sont trop souvent victimes, tout comme les travailleurs étrangers qui arrivent ici. « J’enseigne ici depuis plus d’un an et demi et je peux dire que mes élèves étaient autant isolés que nos aînés. L’idée était donc de leur permettre de connecter par des échanges réguliers. Nos élèves s’impliquent, s’intègrent et je pense que nos aînés font partie intégrante de ce processus d’intégration », a-t-elle indiqué en ajoutant que lors de la mise en place du projet, « on leur a dit vous êtes chez vous ici et c’est en créant ces liens que vous irez plus loin encore. »
Réactions positives
« Le fait de parler plus d’une heure en français avec un aîné québécois, c’était bien, car quand nous arrivons ici, c’est la chose la plus difficile pour nous. On se rassemble entre étrangers et c’est naturel. Cependant, pour apprendre le français, il faut trouver des façons d’entrer en contact avec des francophones le plus possible », insiste Hector qui rappelle que pour eux, parler français le plus possible est la clé d’une intégration réussie.
« Si on ne parle pas, on ne fera jamais rien. Si je veux, en tant qu’immigrant, m’intégrer et m’impliquer, je dois apprendre la langue. Il faut aller à l’école, écrire, écouter la radio et regarder la télévision, voir des séries, parler avec les gens, même si on ne comprend pas tout en partant, ce n’est pas grave. C’est comme quand tu vas au Gym. Tu ne vois pas des résultats en une journée, c’est à la longue que tu les vois, à mesure que tu fais tes apprentissages », mentionne-t-il avec justesse.
Pour sa part, Alexander souligne que cette activité avait dépassé ses attentes. « On pensait que ce serait difficile. On se demandait si les gens allaient partager leurs expériences avec nous et ce qui allait se passer, mais après cette première activité, Richard est devenu mon ami et on se parlait souvent. »
« Le fait d’accepter des immigrants et réaliser que c’est une richesse pour nous autres et qu’ils se sentent chez eux dans la région, c’est l’objectif ultime derrière ce projet », de mentionner M. Fortier.
« C’était un défi pour nous et on a aimé connaître une petite tranche de l’histoire de chaque personne, de chaque aîné. Ils ont aussi aimé ces moments avec nous, partager leur histoire et nous on a fait la même chose », indique Carlos qui était celui qui prenait les photos et vidéos avec Rhania.
Les trésors cachés
Comme on le mentionnait précédemment, ce projet de jumelage intergénérationnel s’est conclu le 16 juin dernier alors que les élèves remis aux aînés un document intitulé « Les trésors cachés », série de retranscriptions, avec des photos et vidéos, des nombreux échanges entre chaque aîné et élève.
« Ce sont mes élèves qui ont fait cela par eux-mêmes. Je n’ai fait que les soutenir dans la démarche », insiste Mme Lacorre.
« L’expérience humaine derrière ce projet, ça dépasse l’entendement. C’est le plus important projet que je mène ici depuis deux ans, mais j’avais un groupe avec une maturité hors du commun, qui avait soif d’apprendre. Ils m’ont lancé un défi cette année et j’ai beaucoup appris grâce à eux. Ce projet est la continuité de nos apprentissages, pas nécessairement académique, mais du point de vue humain », soutient l’enseignante.
« Le but premier était d’apprendre la vie des aînés, car nous étions limités dans le temps. Ce projet aurait pu durer deux ans et ils auraient encore eu beaucoup de choses à partager, mais c’est ça la beauté du projet, car ce ne sera jamais complètement terminé. Pour moi, mes élèves sont des exemples d’intégration, autant pour notre société que pour ceux qui seront encore ici. Ils démontrent à nos élèves de niveau 1, qui viennent d’arriver ici, que c’est possible d’apprendre », conclut Mme Lacorre.
Source : La Voix du Sud, 8 juillet 2023